David Golder by Irène Némirovsky

David Golder by Irène Némirovsky

Auteur:Irène Némirovsky [Némirovsky, Irène]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: Ebooks libres et gratuits
Publié: 2012-07-30T01:31:37+00:00


CHAPITRE XVIII

– Je pars demain, dit brusquement Golder en se levant de table.

Gloria tressaillit légèrement, murmura :

– Ah !… pour longtemps ?…

– Oui…

– Tu es… tu es sûr que c’est prudent, David tu es encore malade.

Il éclata de rire.

– Qu’est-ce que ça fait ? Est-ce que j’ai le droit d’être malade comme tout le monde, moi ?

– Oh, ce ton de victime, dit Gloria entre ses dents avec colère.

Il sortit, en poussant violemment la porte derrière lui. Les girandoles en cristal de la cheminée, agitées par le courant d’air sonnèrent dans le silence avec un petit bruit pressé, argentin.

– Il est nerveux, dit doucement Hoyos.

– Oui. Vous sortez ce soir ? Vous voulez l’auto ?

– Non, merci, ma chère.

Gloria se tourna vers le domestique.

– Je n’ai pas besoin de chauffeur ce soir.

– Bien Madame.

Il posa sur la table le plateau d’argent, les liqueurs, les cigares et sortit.

Gloria, nerveusement, fit le geste de chasser les moustiques qui sifflaient doucement autour des lampes.

– Oh ! que c’est assommant… Tu veux du café ?

– Et Joy ? Tu as des nouvelles ?

– Non.

Elle se tut un instant, puis reprit avec une sorte de rage :

– Tout cela est la faute de David !… Il gâte cette petite comme un fou, comme un imbécile !… Il ne l’aime même pas !… Elle flatte sa vanité grossière de parvenu !… Il y a de quoi être fier, vraiment ! Elle se conduit comme une grue ! Tu sais combien d’argent il lui a donné la nuit où il est tombé malade au cercle ?… Cinquante mille francs, mon cher. C’est charmant, n’est-ce pas ? Des gens m’ont décrit le tableau. Cette petite, dans ce tripot, qui marchait à moitié endormie, avec des paquets de billets de banque entre les doigts, comme une fille qui a entôlé un vieux !… Et pour moi, c’est toujours les mêmes scènes, le même refrain : les affaires sont mauvaises ! Il en a assez de travailler pour moi, etc. ! Ah, je suis une malheureuse ! Quant à Joyce !…

– Oh ! elle est charmante…

– Je sais, coupa Gloria.

Hoyos se tut brusquement, se leva, alla vers la fenêtre, respira le vent.

– Comme il fait bon… Vous ne voulez pas descendre au jardin ?

– Si vous voulez.

Ils sortirent ensemble. C’était une belle nuit sans lune ; les grands réflecteurs blancs de la terrasse poudraient le gravier de l’allée, les branches des arbres, d’une froide lumière de théâtre.

– Sens comme il fait bon, répéta Hoyos, le vent souffle d’Espagne, il a un parfum de cannelle, tu ne trouves pas ?

– Non, fit-elle sèchement.

Elle buta contre un banc.

– Asseyons-nous, ça me fatigue de marcher dans l’obscurité.

Il s’assit à ses côtés, alluma une cigarette ; la flamme du briquet éclaira brusquement son visage incliné, les paupières bombées, délicates et fripées comme des fleurs mortes, le pur dessin des lèvres, jeunes encore, gonflées de vie.

– Ah ! ça, qu’est-ce qui se passe ? Nous sommes seuls, ce soir ?

– Tu attends quelqu’un ? demanda-t-elle distraitement.



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